« Bambous aller simple »
– " Et le retour?"
Voici une question que les bambous – ou leurs parents – posent parfois avant même de partir ! Entendez : « Après une année donnée aux Enfants du Mékong, comment fermer la parenthèse et en revenir aux choses sérieuses ? ».
Et si, justement le sérieux était de plus jamais la refermer cette parenthèse, de ne jamais cicatriser cette blessure d’amour et de générosité. Car il en faut de la générosité et de l’amour pour donner ainsi une année de sa vie. Soyons francs, les bambous ne savent pas vraiment ce qui les attend : ce n’est pas si facile de descendre du wagon de première classe où nous voyageons habituellement. Ne nous hâtons pas de remonter en voiture !
René Péchard, fondateur des Enfants du Mékong ne connaissait pas la première classe. Souffrant lui-même, il comprenait, il vivait la souffrance des autres. Ce n’était l’homme ni d’une idée, ni d’un projet, c’était l’homme d’une charité. Toujours le même dans l’amour et donc toujours différent dans l’action car les besoins, les circonstances changent et il faut avoir le cœur ouvert pour le voir. Je souhaite, oui, j’ose souhaiter que parmi les bambous se trouvent des garçons et des filles blessés par ce qu’ils auront vécu. Pas tristes, accablés ou découragés, non, seulement blessés ! Finalement, des garçons et des filles qui jamais ne s’installeront, qui jamais ne se satisferont, qui jamais ne se suffiront, qui jamais se s’abriteront, qui jamais ne se feront une raison. Blessés de la blessure des autres, affamés de la faim des autres, humiliés de l’humiliation des autres, calomniés avec ceux que l’on diffame, sans papiers avec les réfugiés
Ces bambous, je leur souhaite de faire carrière car nous devons cultiver notre talent et qu’il faut que les plus pauvres aient leurs ambassadeurs. Que cette carrière n’occulte jamais la générosité de leurs vingt ans, que la détresse de la veuve, la solitude du gosse de la rue, l’humiliation du prisonnier soient pour eux des visages qui les hantent.
Certains échangeront une carrière pour un destin. Ils souffriront à en pleurer de ces écoles, de ces infirmeries qui manquent dans tant de villages. Le gamin de la rue sera leur enfant et la veuve leur mère.. Ils seront inventifs, ils craindront de s’installer, ils se souviendront que rien ne leur appartient. Ils connaîtront l’incompréhension, la solitude, la calomnie peut-être, ils se réveilleront la nuit. Ils connaîtront la joie parfaite.
Voyageurs sans billet sans retour, qui avez répondu un jour à un appel que vous pensiez provisoire et qui y donnerez votre vie, je cherche votre visage alors que le fardeau pèse.
Jean-Claude Didelot
Président de Enfants du Mékong