Une histoire de land people

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Une histoire de land people

 

A Tout juste rescapes.jpg  Un soir un petit groupe de quatre land people (un jeune couple et deux jeunes adultes) exténués arriva à quelques mètres de notre hôtel à Tapraya. Notre présence contribua probablement à adoucir la police qui nous autorisa à les rejoindre dans la prison, passage obligatoire avant leur entrée dans un camp. A l’issue de la messe que le père Didier Hascoët qui nous accompagnait, célébra pour eux, je leur demandai discrètement leur adresse, leur promis de rassurer leur famille.

  Le lendemain, 28 janvier 1990, nanti providentiellement d’un visa de trois jours, je repris, seul et pour la première fois depuis vingt huit ans, le chemin du Viet Nam…

 B Premiere visite a M. Lam a HCM.jpg Ma première visite fut pour les parents de Minh, le plus jeune des fugitifs. Le colonel Lam, son père, me prit à part, s’assura que la maman n’entendait pas :

           Pardonnez-moi, monsieur… est-ce que mon fils a été torturé ?

 

Il l’avait été lui-même en camp de rééducation et me montra les traces de sévices. Je le rassurai. Cette famille partagea ensuite le destin de milliers d’autres jetés sur les chemins de l’exode. Dés lors, comme cela arriva pour bien d’autres, nos destins s’entrecroisèrent. Tandis que Minh se morfondait dans les camps de Thaïlande sans réussir à passer dans un pays d’accueil, sa famille réussissait à gagner les Etats-Unis. Enfin, en 1997, un accord passé entre le HCR et le Viet Nam lui permit de rentrer dans son pays d’origine avec la perspective d’obtenir un visa pour rejoindre sa famille. C’est ainsi que le 21 janvier suivant, je le retrouvai à Saigon à l’oecumenical guest house[D1] . Il n’avait pas changé physiquement[D2] , mais me confia :

          I have learnt a lot on life.

 

C Oecumenical Guest House HCM.jpg          E LKH HCM 1998.jpg

 

 

Il s’efforçait de pardonner et, pour cela ne voulait pas relater par écrit ce qui lui était arrivé de peur de raviver des souvenirs trop douloureux. Il me montra les photos des véritables chefs d’œuvre qu’il avait réalisés à Sikew et confiés au père Prayoon. Il avait été classé premier avec la note maximale en fin d’un cours d’informatique, mais, classé ‘returned” et ayant demandé à partir, il ne trouvait de travail nul part. Je lui laissai personnellement une certaine somme pour lui permettre de survivre. Nous eûmes une longue conversation en présence du frère Gabriel. Par son intermédiaire, il devait par la suite me faire parvenir un petit reliquaire de jade et d’argent qu’il avait fait lui-même à mon intention.

 

 

 D 21 Janvier 98 avec Fr Gabriel.jpg   F cadeau souvenir.jpg
  En septembre 2003, le colonel Lam revint de Californie et, me croyant toujours président de Enfants du Mékong, s’adressa au siège social à Asnières. Il finit, non sans mal, par retrouver mon adresse, vint partager notre repas à l’Institut du Fleuve et, demandant le silence avant de se mettre à table :

 « Je suis venu rendre visite à celui qui a sauvé mon fils… 

 

Un peu gêné, il me confia qu’il n’était plus en mesure de me rembourser la somme que j’avais remise à son fils. Je le rassurai, c’était un don personnel qui n’avait pas à être restitué. Ensemble, nous appelâmes son fils Minh au téléphone…

 B Lam Khi Sanh a JCD.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Echappés de Saigon par voie de terre à travers le Cambodge.

 

 

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